Le torchon brûle à l'UL

Fondée en 1960 grâce à la charte de l’Université de Sudbury (1957), l’Université Laurentienne est en pleine croissance au cours de la décennie qui s’achèvent passant de 183 étudiants en 1960-1961 à 1 500 en 1968-1969. Cependant, entre 1967 et 1969, des tensions se font sentir entre le corps professoral et l’administration, en particulier en ce qui a trait aux échelles salariales et pour protester, en avril 1969, les professeurs ont recours à des moyens de pression en refusant de rendre leurs notes finales.

Pour une plus grande participation à la gouvernance

À l’automne 1969, le torchon brûle entre le recteur Stanley G. Mullins et le Conseil des gouverneurs d’une part et les professeurs, les étudiants et le sénat d’autre part. En octobre, la stratégie mise de l’avant par le recteur pour l’établissement d’un plan quinquennal, qui ne laisse que trois semaines aux professeurs et aux étudiants pour participer à son élaboration, constitue la goutte qui fait déborder le vase.

20 octobre 1969

Journée de protestation (pour la gouvernance)

La une du Lambda du 20 octobre 1969 appelle à une journée de protestation sous forme de « Teach-in ».

La une du 3 décembre est tout aussi éloquente avec une caricature du Conseil des gouverneurs qui en dit long sur l’insatisfaction des étudiants à l’égard de l’administration.

Pour le respect du bilinguisme

Par ailleurs, l’Université Laurentienne a été fondée en tant qu’institution bilingue et sur le campus, on sent également des tensions au point de vue linguistique : si en 1960-1961 le pourcentage des étudiants francophones était légèrement supérieur à celui des étudiants anglophones, soit 52 % de francophones et 48 % d’anglophones, dès l’année suivante, la tendance s’inverse, alors que les francophones ne représentent plus que 35 % de la population étudiante francophone. En 1969-1970, la proportion de francophones n’est plus que de 12 %, soit 215 francophones comparativement à 1 558 anglophones [1]

29 octobre 1969

Un manifeste (pour le respect du bilinguisme)

Au cours de l’automne, on peut d’ailleurs régulièrement lire dans le journal des étudiants francophones, Le Lambda, des textes au sujet du bilinguisme à la Laurentienne, entre autres un « Manifeste » signé par le corps professoral du Département de français pour réclamer le respect du bilinguisme à l’université.

Adressé au secrétaire du Conseil des Gouverneurs Harold Bennett, au recteur Stanley G. Mullins, au vice-recteur Roland Cloutier, au doyen de la Faculté des arts et des sciences Gérald Vallilée, au président de l’Association des professeurs Garrick Clarke, au président de l’Association des étudiants Pierre Fortin, au rédacteur en chef du Lambda Scott Merrifield et au rédacteur en chef du journal Le Lambda, ce manifeste demande, réclame et exige :

« a) le respect en fait et en droit du principe du bilinguisme inscrit dans la charte de l’Université et son application intégrale et permanente dans tous les documents officiels de l’Université.
b) ils expriment le souhaite que toutes les associations où sont impliquées des minorités d’expression française se fassent un devoir d’appliquer courtoisement le bilinguisme surtout dans leurs rapports ou documents officiels. » [2]

Ce débat, qui s’inscrit dans la foulée de l’adoption de la Loi sur les langues officielles qui vient d’entrer en vigueur le 7 septembre 1969, fait aussi la une dans les semaines qui suivent.

Novembre 1969

Dans l’édition du 12 novembre, Donald Obomsawin affirme la nécessité d’une université française.

La semaine suivante, Michel C. Magnan rappelle que l’équipe du Lambda a présenté il y a un peu plus d’un an, à l’automne 1968, un mémoire concernant le bilinguisme à la Laurentienne, mémoire qui constatait l’urgence d’agir pour contrer l’assimilation.

Décembre 1969

Au même moment, la littérature et la chanson en français retrouvent pignon sur rue à Sudbury lors de l’ouverture de la Librairie du Nouvel-Ontario qui remplace la Librairie Loisir qui avait fermé ses portes dans la foulée de la revitalisation du centre-ville.

Fondée par les pères Jésuites, la librairie se donne un mandat ambitieux. Selon son libraire, le père Dagenais, elle « deviendra sous peu le centre du livre français de tout le Nord-Ontario. Son champ de rayonnement s’étendra de Hearst jusqu’au Sault Ste Marie. » On prévoit même ouvrir des succursales à Hearst et à Sault-Sainte-Marie. L’ouverture officielle a lieu le 3 février 1970.