Atelier-rencontre avec Rébecca Déraspe, dans le foyer du TNO
Samedi 9 mars de 15 h 45 à 18 h 15

L’écriture théâtrale, c’est l’écriture du vivant. Comment l’écrire, ce vivant ? Comment insuffler à un personnage assez de souffle pour qu’il vibre, pour qu’il existe? Par ses mots, certes, mais aussi par ses silences, ses contradictions, ses mensonges. Dans l’atelier « Le personnage et sa parole », nous aborderons la création du personnage par le biais du dialogue.

Rébecca Déraspe a complété le programme d’écriture dramatique de l’École Nationale de Théâtre en mai 2010. Elle est l’auteure de plusieurs pièces jouées et traduites à travers le monde dont Deux ans de votre vie, Plus que toi, Peau d’ours, Gamètes, Nino, Je suis William, Le merveilleux voyage de Réal de Montréal, Partout ailleurs et Nos petits doigts. Elle est aussi auteure en résidence au Théâtre la Licorne. Elle a remporté le prix de la critique « meilleur spectacle jeune public 2018 » pour sa pièce Je suis William, meilleur texte dramatique Montréal 2017 pour sa pièce Gamètes et le prix BMO auteur dramatique 2010 pour sa pièce Deux ans de votre vie.

L’Écritoire bricolée est possible grâce au soutien financier de Ontario Trillium Foundation et de Patrimoine canadien.

Quelques textes...

Conflit de bureau #1
Alex Tétreault

J : Ch’t’écoeurée. Ça va tu finir?
CA : C’est vrai qu’elle coule lentement cette machine à café là…
J : Je r’viens pas la semaine prochaine.
CA : On pourrait bien la remplacer…
J : Tu m’écoutes pas…
CA : Peut-être c’t’été…
J : Tu me fais toujours ça…
CA : Ça va dépendre si marketing se déniaise…
J : Pardon?
CA : C’est vrai, des fois, ils sont bein caves…
J : Tu réalises à qui tu parles?
CA : Vous êtes qui?
J : Jocelyne.
CA : Ah?
J : En marketing.
CA : Puis qu’est-ce que vous faites à me déranger? À moins que vous venez de maintenance pour ma machine-
J : Cédric-André-
CA : Ah, ah, ah, Monsieur Desmarais.
J : Je rentre pas lundi, Cédric. André.
CA : Mais comment ça Jacinthe-
J : Jocelyne.
CA : Jennifer. Vous êtes une partie importante de cette équipe.
J : C’est Jocelyne.
CA : Puis qu’est-ce que je peux faire pour vous?
J : Je reviens pas. Chu pu capable.
CA : Plus capable de quoi?
J : De gérer ta marde.
CA : Ce n’est pas gentil ça Jenny-
J : Jocelyne.
CA : Puis le projet? Il dépend de vous!
J : Fuck le projet.
CA : Attention, je pourrais vous mettre une fiche à votre dossier.
J : J’m’en contre câlisse.
CA : Ah, un premier crochet sur la fiche.
J : Va chier avec tes maudites fiches à marde!
CA : Maudite cafetière…
J : Écoute-moi!
CA : Vous me semblez perturbée, Marie-Anne-
J : Maudite p’tite marde, c’est Jocelyne, oké!
CA : Écoute…t’as pas besoin de rentrer dimanche soir. Repose-toi, passe du temps avec tes p’tits enfants. Je comprends qu’on a tous des choses qui se passent dans nos vies.
J : Fuck off.
CA : Vous ne me paraissez pas comme une team player en ce moment. Vos collègues dépendent de vous.
J : Ça marche pu, cette affaire-là. J’a gère bein mon équipe, mais ch’pu capable. Va chier.
CA : Jocelyne…
J : Pis fuck ta machine à café à marde, m’en va dans le Sud!

Jocelyne lance la cafetière par la fenêtre.

 

 

Conflit de bureau #2
Marie-Pierre Proulx

J :  Ch’t’écoeurée. Ça va-tu finir ?
CA : C’est vrai qu’elle coule lentement.
J : Je reviens pas la semaine prochaine.
CA : Bon. Ça recommence.
J : J’ai apporté une boîte.
CA : Ah ben, si t’as apporté une boîte ! On niaise pu !
J :  2 minutes pis toutes mes affaires sont d’dans.
CA : La p’tite madame serais-tu sérieuse, ce coup-là ?
J : J’ai tu d’autre choix ? Je demande pourtant pas la lune, Ced.
CA : Je reviendrai pas sur ma décision. Tu le sais, ici, c’est la même game pour tout le monde. On fait pas d’exception.
J : Mais, je travaille avec ton père depuis…
CA : J’te l’ai dit, Jo. C’est quoi la première valeur de notre nouveau cadre stratégique ? L’Égalité. On peux-tu être juste avec tous nos employés si on donne des privilèges de séniorité ? Non.
J : Mais…
CA : J’t’en fais un ? J’te l’offrirais gratiss, mais… encore une fois… Égalité ! Je serais pauvre la semaine prochaine si je me mettais à la payer à tout le monde ! Inquiète-toi pas. Je la mets moi aussi, ma piastre.
J : Une semaine. C’est tout ce que je demande. Une semaine avant la fin du mois pis j’suis prête à remplacer Océanne pendant tout le congé des fêtes.
CA : As-tu pensé à ce que je t’ai proposé ? Avec le nouveau système, tu pourrais travailler de chez vous deux jours par semaine. Tranquille. Je pense que ça te ferait du bien. Y’a déjà la moitié de l’équipe qui en profite pis ils l’ont dit : ça fait toute la différence !
J : Mais j’veux pas travailler de chez nous ! J’veux crisser mon camp ! J’veux partir loin de tout’ c’te marde-là. Pis penser à RIEN. Pour une semaine. Je demande pourtant pas la lune !
CA : Ça sera pas possible.
J : Bon. Ben si c’est de même… J’vais attendre mon 4% ?
CA :  Pas de trouble Veux-tu de l’aide avec ta boîte ?
J : Sais-tu, elle fait pas juste couler comme une tortue débile, ta machine. ‘A fait du café qui goûte le cul.

Jocelyne prend la cafetière.

CA : Qu’est-ce tu fais ?
J : Va chier, Ced.

Jocelyne lance la cafetière par la fenêtre.

 

 

Conflit de bureau #3
Pascale Lemay

J – Cht’écoeurée. Ça va tu finir?
CA – C’est vrai qu’elle coule lentement cette machine à café-là.
J – Je reviens pas la semaine prochaine.
CA – Ouin, ma tasse se remplira pas bin vite.
J – J’ai dit : je reviens pas la semaine prochaine.
CA – Hein? Ah scuse moi Jocelyne, cht’ai dans lune. Tu disais?
J – De un, c’est VOUS. Pis de deux : je sacre mon camp c’t’après-midi.
CA – Ah… Euh… Bin… Comment j’vais faire pour finir le dossier?

Jocelyne prend la tasse de Cédric-André, et boit le peu de café qu’il y avait dedans.

J – T’es t’un grand garçon, t’es devenu vice-président bin vite. Tu vas bin trouver comment.
CA – Ouin, bin c’parce que t’sais… euh vous savez … bin mon père/
J – Oh oui monsieur le VOTRE père PDG
CA – Ouin, bin c’parqu’il a comme dit que je devais réviser tes, euh vos, commentaires avant d’envoyer le rapport final…
J – Ah ouin, il t’a demandé ça. À toi. Le ptit jeune qui vient de finir son bacc en lettres.
CA – Ouin…mais c’est correct, ça devrait bin aller…
J – Ah Bin! C’est vrai que t’es un lettré toi. Quessé que je fais à m’inquiéter? Touuuuute va bin allé, hein? Y’en a pas de problème!
CA- Euh…
J – Bin bonne chance mon pit parce que moi j’écris pu rien.
CA – euh.. Mais c’est parce que mon père…
J – Va chier avec ton père à marde!!!
CA – Euh.

Jocelyne lance la tasse à café et s’en va.