20 novembre, 2020 • Posté par Priscilla Pilon
Des nouvelles de nos artistes : Matthew Heiti!
De retour avec la série Nouvelles de nos artistes. Cette fois, nous nous sommes entretenus avec Matthew Heiti, l’auteur d’Aéroportée, notre prochaine mise en lecture!
En discutant avec Jeffrey Kambou, notre stagiaire en communications, Matthew nous parle de jeux de société, enseigner à l’université et du futur du théâtre.
Jeffrey: Comment avez-vous passé votre temps pendant cette quarantaine?
Matthew: J’enseignais à l’Université Laurentienne quand tout a commencé. Comme tout le monde, je navigue dans ces nouvelles eaux numériques. J’ai eu, probablement comme tout le monde, assez de réunions Zoom pour durer toute une vie. Je participe à des réunions Zoom sans arrêt. Cela fait partie du cours des choses. Je sais que c’est devenu ce que tout le monde fait maintenant.
Mais j’en ai profité cet été pour m’évader. Ça a été la meilleure partie de mon été. J’ai un petit chalet sur l’île. Pas d’électricité, ni d’internet. Nous y avons passé la majeure partie de l’été. J‘ai fait beaucoup d’écriture et j’ai attendu que le monde retourne à la normale. J’y étais pendant une partie de juillet et du mois d’août et nous avons commencé à oublier à quel point le monde était étrange. C’était surréaliste de revenir et de voir que le monde était toujours comme nous l’avions quitté.
J: Avez-vous pu travailler sur des projets personnels?
M: Oui. Une partie de mon temps pendant cette pandémie a été dédié à terminer mes réécritures pour le projet Aéroportée. Je travaillais sur ce script pendant la majeure partie du printemps. C’était vraiment génial d’y revenir, car c’était un processus si long pour moi. Je l’écrivais par intermittence depuis 2006, c’est un très vieux script.
Par contre, la majeure partie de l’été, j’ai travaillé sur un deuxième roman. J’ai déjà eu un roman qui a été publié, il y a quelques années. Je travaille sur celui-ci de façon ininterrompue depuis 7 ans. Cette pandémie m’a donné le temps de le terminer. Ce roman ne sera probablement jamais publié, mais je suis heureux d’avoir enfin terminé.
J: Vous êtes-vous concentré principalement sur le travail ces derniers mois?
M: J‘enseigne à la Laurentienne pendant l’année scolaire, mais comme je suis travailleur indépendant, c’est à moi de faire en sorte que j’ai du travail. Comme tout le monde, j’ai vu beaucoup de travail s’évaporer à cause de la pandémie, en particulier dans les arts. Ce domaine a été durement touché. Il traverse toujours une lutte vraiment difficile et nous ne savons pas quand le travail va reprendre ou quand les théâtres vont rouvrir. Nous vivons toujours dans cette sorte de purgatoire où rien n’est défini. Nous savons que l’industrie dans laquelle nous allons revenir ne sera pas la même que celle dont nous avons dû nous éloigner.
Heureusement, ma situation n’a pas beaucoup changé parce que je travaille tout le temps. Je travaillais quand la pandémie a frappé et je travaille toujours maintenant. C‘est en quelque sorte mon processus. Je ne peux pas me détendre, j’ai besoin d’une sorte de processus qui m’incite à me lever et me mettre au travail et heureusement dans ce cas-ci, cela a été l’écriture et ça n’a pas arrêté. Une partie de mon attention a été détournée de l’écriture théâtrale et elle s’est déplacée vers d’autres choses. À cause de l’état actuel du théâtre, nous ne savons pas comment il reviendra.
J: Est-ce que vous enseignez toujours cette année ?
M: Oui. Alors j’ai commencé les cours hier soir. Nous sommes tous en ligne à l’Université Laurentienne. Nous sommes tous en train de zoomer. J’enseigne création littéraire cette année parce que je suis sûr que vous savez, le département de théâtre a en quelque sorte fermé cette année de façon permanente.
J’adore travailler dans le département d’anglais et enseigner l’écriture créative. C’est un environnement différent en ligne. Certainement pas l’environnement d’enseignement idéal, mais en même temps, certains étudiants semblent plus à l’aise dans cet environnement. Certains, qui pourraient être plus réticents à parler en personne, sont beaucoup plus à l’aise en ligne. Cela a donc été une découverte intéressante, ce n’est pas idéal, mais cela aide en quelque sorte certains étudiants de nouvelles manières.
J: Qu’est-ce qui vous manque le plus depuis le début de la pandémie ?
M: En termes de théâtre, la composante qui anime le théâtre, c’est le « liveness » qui me manque. Ce genre d’idéal parfait pour se réunir avec d’autres dans un espace et partager une expérience ensemble. L’idée de se rassembler. Je suis un misanthrope dans l’âme. J’aime être seul. J’aime m’évader, mais ceci a été un rappel de l’importance des autres dans nos vies et de la connexion humaine. J’ai de la chance d’avoir une partenaire formidable et 3 chats chaleureux et adorables, mais le rassemblement de gens et le théâtre me manquent.
Quand j’étais impliqué dans le théâtre, c’était plutôt du côté de l’immersion du public. C’est en quelque sorte ce qui me préoccupe depuis les 10 dernières années. Comment rassembler les gens de nouvelles façons? Les rassemblements dans les théâtres sombres ensemble où les gens s’assoient passivement et regardent, cela ne me manque pas. Ce serait plutôt la connexion électrique que vous obtenez avec le public quand vous êtes dans un même espace.
J: Qu’est-ce qui vous manque le plus qui n’est pas relié au théâtre ?
M: Je dirais, que pendant très longtemps, c’était les câlins. Dans notre famille, quand je rendais visite à mes parents et il n’y avait aucun contact physique pendant une longue période. On se criait d’un cadre de porte à l’autre. Mais dernièrement, ma mère a dit : « Non! Maintenant, on se donne des câlins ».
Au début, c’est ce contact qui m’a manqué. Maintenant, ce sont des choses plus idiotes, comme les jeux de société. J’adore rassembler les gens autour d’une table, jouer à des jeux. Nous avons arrêté de faire ce genre de rassemblement social et de jouer ensemble. C’est ce genre de choses pas essentiel qui me manque.
J: Avez-vous une recommandation de quarantaine?
M: Haha. Donc, même si j’ai dit que je n’ai pas joué à autant de jeux de société, j’ai découvert la joie du jeu de société en solo, donc je recommanderais, si vous n’avez jamais essayé de jouer à un jeu de société par vous-même, vous pouvez faire une expérience vraiment ridicule. Avoir ce plateau géant de tout sur la table avec ces pièces partout et vous faire plaisir en passant une nuit à jouer à cet énorme jeu. Cela a été assez amusant. Et autre chose, plus que jamais aller se promener dehors n’a été merveilleux. C’est bon de prendre soin de soi et de faire de longues promenades à pied et à vélo. J’ai fait beaucoup plus de vélo cet été.
J : À quels jeux de société jouez-vous?
Donc celui auquel nous avons joué le plus récemment vient de sortir, le nouveau Gloomhaven Jaws of the Lion, c’est vraiment bien. Un peu comme un jeu de rôle, mais au lieu d’un maître de jeu, il faut suivre les directives d’un livre. J’ai passé plusieurs longues nuits à jouer à ça. Je regarde ça en ce moment et j’ai 5 étagères, j’ai trop de jeux.
J: Quelle est la dernière pièce que vous avez vue?
M: C’est une bonne question. Je peux vous le dire que parce que c’est arrivé peu de temps avant que la pandémie ne frappe. J‘ai vu le spectacle à Thornloe qui était la production de cette année. Mais la dernière production professionnelle que j’ai vue, j’essaie de m’en rappeler. Probablement ce qui se jouait au TNO ou au STC (Sudbury Theater Company) en février. C’est une bonne question. Je n’ai pas voyagé loin pour mon théâtre depuis quelques temps.
J: Avez-vous un coup de cœur artistique récent ?
M: Je suis retourné à la lecture. J’ai passé l’été à lire dans les bois, et j’ai passé du temps à lire un artiste, récemment décédé, Russell Hoban, un romancier. Il est né aux États-Unis, mais il a fait sa carrière en Grande-Bretagne. J’aime ça façon de voir le monde. J’ai donc lu ses textes cet été. Écrivain très sous-apprécié. Il a une façon de voir de la magie dans le quotidien.
J: Si vous pouviez exprimer un souhait pour le milieu artistique suite à la pandémie, ce serait lequel ?
M: Et bien, je suppose que j’ai un souhait en particulier pour la communauté théâtrale. Pour ne pas revenir à ce qu’il était. Nous devons réinventer. La façon dont nous pensons au regroupement. Je pense que l’avenir du théâtre est dans la réinvention plutôt que dans le retour.
J: Au cas où, une situation similaire se reproduirait à nouveau ?
M: Non, je pense que nous devons repenser complètement ce que nous voulons de l’expérience théâtrale. Avant la pandémie, le théâtre était en difficulté depuis des années, du moins du côté anglophone. Les gens ne vont pas voir le théâtre comme ils le faisaient et nous nous en tenons à cette idée que le théâtre devrait être un genre d’imitation de ce qu’aller au cinéma est pour les gens ou regarder un film ou une émission de télévision. Je pense que le théâtre doit devenir quelque chose que nous pouvons maintenir, nous devons repenser à ce modèle. Pourquoi rassemblons-nous tous ces gens dans un lieu ? Voulons-nous profiter passivement de quelque chose ou voulons-nous qu’ils participent davantage ? Voulons-nous approfondir les choses créées ?
J: Changer le théâtre afin de rejoindre un plus grand nombre de gens ?
M: Oui, je suppose. Je ne sais pas encore précisément ce que je veux dire. Le théâtre passif où nous nous asseyons dans l’obscurité, on regarde quelque chose sur scène, va toujours être valable. Il y aura encore des gens qui voudront cela.
Avant l’épidémie, des choses comme les cafés de jeux de société, les escape room et les bars de lancer de haches, semblent démontrer que pour une raison ou une autre, les gens veulent se rassembler de manière plus interactive, au lieu d’être simplement assis et attentif. Nous voulons que ces expériences soient plus profondes et plus énergiques. Je pense donc qu’un modèle pour que le théâtre trouve plus de pertinence est de se réinventer, un peu dans la façon dont il choisit d’inviter le public, de l’impliquer davantage dans l’expérience.
J: C’est aussi le bon moment pour proposer ces nouvelles idées et solutions.
M: Ouais, tu as raison, c’est sûr. Nous l’avons vu avec l’université. Nous avons eu tout ce temps pour trouver une meilleure façon de faire les choses pour l’automne. Et maintenant, nous ne faisons pas ces cours en ligne comme nous les avons mal pensés l’année dernière. Donc, vous avez tout à fait raison, nous avons tout ce temps pour vraiment comprendre ce que nous attendons de ces choses lorsque nous y reviendrons.