Atelier-rencontre en toute intimité avec Alain Doom, dans les loges du TNO
Dimanche 17 février de 10 h 30 à 12 h 30

D’une émotion fragile au geste d’écriture, du mouvement de la phrase à sa mise en espace, d’une situation bancale à l’élaboration décousue d’un dialogue balbutiant; les voies qui mènent à l’écriture dramatique sont multiples et contradictoires. Alain Doom s’appuiera sur son parcours atypique pour conduire les participants à interroger leur propre intimité en se lançant tête baissée dans l’écriture théâtrale sans trop y penser, sans frein, ni jugement, ni contrainte, ni filet, ni recette.

L’Écritoire bricolée est possible grâce au soutien financier de Ontario Trillium Foundation et de Patrimoine canadien.

Quelques textes...

Le violon dingue
Antoine Côté Legault

  • La première fois que je l’ai vu. L’archet qui se lève tout seul, comme un serpent charmé par une clarinette, puis se mettre à jouer du violon tout croche. Cent-vingt-quatre ongles qui griffent un tableau en même temps, j’y croyais pas.
  • Pis si ça agresse autant, si ça perce autant les tympans, pourquoi tu l’as pas juste sorti de la loge.
  • Y veut pas, y’est complètement dingue, possédé pas à peu près.
  • Franchement, donne-moi ça, m’a te le sortir d’icitte ce sera pas long.
  • Y pèse trois tonnes. Pas moyen de le déplacer d’une miette.
  • Ouin ben, t’as raison. J’vas y faire une p’tite trim de barbier. Tuer son âme une bonne fois pour toute.
  • Faut le laisser vivre, ça se fait pas attaquer un instrument comme ça. Ça se fait pas je te dis.

 

 

Bigoudis
Marie-Pierre Proulx

Passe-moi donc ta cigarette. Non, non, je sais. Juste une puff. J’te la redonne après. (Temps.) Ben oui, j’vais m’habiller, relaxe. J’avais juste besoin d’une puff avant. Parce que. ‘Est meilleure avant. (Temps.) Je sais pas. C’est comme ça.

As-tu vu mes jeans ? Il me semble que je les avais enlevés dans le salon, mais je les trouve pu. Non, ça c’était dans la cuisine. Ben oui, sur la poignée de la dépense. Je sais pas, parce que je voulais pas qu’elle traîne à terre. Elle m’a coûté assez cher. Victoria’s Secret. Ouin. Je sais ben, mais qu’est-ce que tu veux, des fois, une fille a envie de sentir belle au détriments de ses principes. (Temps.)

T’en veux-tu ? T’es certain ? Si y’est pas trop tôt pour une puff, y doit pas être trop tôt pour un verre. (Temps.) Too bad. Your lost. Voyons, crime ! Mes jeans ! Je veux dire, y’ont quand même pas disparus, je… Quoi ?

C’est la première fois que tu baises avec une fille qui porte des bigoudis. (Temps.)

Pis ? (Temps.)

Va chier ! Je va t’en faire une matante, moi ! Marilyne Monroe aurait pas été aussi sexy si c’était pas de ses bigoudis.

Pis je serais prête à béter qu’elle a déjà fait l’amour avec des bigoudis pis qu’il y a jamais un homme qui a rechigné Aye, j’ai mon voyage. J’ai pas de principe parce que je porte un brassière Victoria’s Secret pis monsieur me trouve pas assez sexy parce que je porte des bigoudis ! (Temps.)

Essaie de pas de te justifier. J’ai très bien compris. Envoye, arrête de niaiser. Mes jeans. Où est-ce que tu les as mis ? (Temps.) Prends-moi pas pour une conne. Mes jeans !

Okay… c’est ça l’affaire… Dans le fond… Tu veux pas que je m’habille. Tu veux pas que je parte.

Je sais pas… peut-être.

Mais j’enlève pas mes bigoudis.

 

 

Bouche d’aération
Pascale Lemay

Si tu ouvres cette porte je te tue.

Mais pourquoi?

Vas-y alors tu me mets au défi?

Tu serais jamais capable de le faire de toute façon. T’as jamais été capable de faire quoi que ce soit.

Pourquoi tu pars encore. Tu pars toujours. Le loin est toujours meilleur. Mais rendu loin, c’est juste encore plus loin. On n’arrive jamais au bout. Pourquoi tu cherches le bout. Qu’est-ce qu’il y a au bout? Au bout de quoi? Qu’est-ce que tu cherches? Tu ne le sais même pas. Si tu pars c’est pour revenir, mais quand tu reviens tu veux partir. Tu tournes plus en rond que la terre elle-même. Est-ce que la terre tourne elle-même autour de ses propres questions? Est-ce qu’elle cherche aussi à rattraper son ombre pour se comprendre?

Je suis fatiguée. Je suis épuisée. Je suis toujours ailleurs. Je suis perdue. Je ne sais plus.

souffle. respire. pense. mange. dors un peu. peut-être que ça ira mieux demain.

C’est la fin, qu’y a-t-il à rajouter. C’est le cycle. La fin est le début, le début est la fin, comme toutes les phrases déjà empruntés. Qu’est-ce qui est original. Mes questions ne sont pas les premières questions. Mes doutes ne sont pas mes premiers doutes. Tout le monde les a eu. Tout le monde les as et tout le monde les aura encore.

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  • La bouche d’aréation?
  • La bouche d’aération.
  • Quelle bouche?
  • Celle là, au plafond!
  • Mais de quel plafond tu parles?
  • Bin, celui qui est là, au dessus de nos têtes?
  • Quelle tête?
  • Tu me niaises là?
  • Non….Celle là. Par dessus. Celle qui nous observe. Celle au plafond. Oui il y a un plafond! Oui tu es à l’intérieur. Tu es dans un intérieur. Avec moi.


OUI TU ES DANS UN INTÉRIEUR AVEC MOI.
….
OUI. TU. ES . DANS. UN . INTÉ…

…. es-tu là?

Allo?
….
…Tu réponds pas?

T’as pas d’autres question?

Allo?
….

  • Mais… Est-ce que la bouche est vraiment là? Je sens l’air. L’air est froid. Il y a un gros courant. Mais pourquoi il fait si froid, je suis à l’intérieur.
  • Tu as froid, tu es seul.
  • Ahhhh! Mais si je suis seul, qui es-tu?
  • Je viens de la bouche.
  • La bouche de qui?
  • Pas la bouche de qui, mais la bouche de quoi.


La bouche qui mène au delà.
….
Ah c’est toi qui est bouché-bée maintenant.

Non non, ne disparaît. De toute façon tu ne peux pas, c’est toi qui est là. Pour de vrai. Vraiment. Comme la bouche du plafond.

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Ouvre la lumière.
Non j’ai mal
Ouvre la lumière
Je ne veux
Pourquoi pas
Parce que tu es là
Tu veux que je partes?
Non c’est pas…
Tu veux que je te laisse
Non c’est pas