26 novembre, 2020 • Posté par Priscilla Pilon
Des nouvelles de nos artistes : Antoine Côté Legault!
Alors que la première saison du projet Voies/x ouvertes avance de bon train et tire à sa fin (il ne reste plus que DEUX épisodes!), Jeffrey Kambou, notre stagiaire aux communications, s’est entretenu avec Antoine Côté Legault, comédien dans Sombre divan!
Le laboratoire théâtral radiophonique est diffusé à l’émission À échelle humaine les samedi matins sur les ondes d’ICI Radio-Canada PREMIÈRE jusqu’au 5 décembre 2020. Pour réécouter les 8 premiers épisodes, consultez le site de Radio-Canada.
Jeffrey : Quel est votre rôle dans ce projet ?
Antoine : Je suis comédien. Je joue le rôle de Zac, dans cette pièce en développement.
J : Que pensez-vous du texte jusqu’à présent ?
A : C’est très intéressant dans son côté énigmatique. Le fait qu’on est dans quelque chose qui peut avoir un côté policier, à Sudbury, je trouve que ça colle tellement bien à la ville. Le désir des personnages de se projeter, de se rêver une vie qu’ils ne vivent pas, je trouve que cette fuite dans un imaginaire ou dans un fantasme est tellement pertinent à notre époque.
Puis après ça, la richesse des images et le rythme de la parole des personnages dans ce texte-là. Je savais déjà que Michel était un auteur qui ciselait son rythme, mais de devoir me le mettre en bouche chaque semaine. Je trouve qu’il y a quelque chose dans le rythme, la parole des personnages qui est vraiment très riche et très révélatrice, des fois tu n’as qu’à suivre le rythme. C’est un texte que j’aime à découvrir, je ne sais pas comment ça va finir, mais c’est ça l’intérêt aussi.
J : Comment est-ce que c’est de créer pour la radio?
A : C’est vraiment très intéressant de créer pour la radio et de créer par petit bout. On a à peu près 3 scènes à la fois chaque semaine, donc on a vraiment l’occasion de voir différents aspects du personnage ou des personnages. C’est comme si on avait un gros cadeau et qu’on était en train de développer de plus en plus et qu’il y avait une autre petite boîte cachée dans notre cadeau.
On en apprend beaucoup sur le travail de la voix et sur la force de la voix. Parce que souvent en faire moins c’est mieux. Il y a beaucoup à trouver au travers du rythme, au travers du ton. Alors que lorsque tu joues sur une scène au théâtre tu as tendance à jouer un peu plus gros, plutôt que de le ramener à toi. Puis de jouer avec micro ça ne ment pas donc il faut vraiment être très juste. Il faut vraiment trouver l’authenticité, la sincérité des personnages. C’est un bel apprentissage.
J : Est-ce la première fois que vous faites du radio-théâtre?
A : Oui, c’est la première fois. Mais c’est fascinant parce que tu sais le radio-théâtre c’est comme une vielle tradition. C’est ce qui a donné naissance à certains auteurs qu’on appelait à l’époque canadiens-français. C’est comme ça que certains comme Marcel Dubé ont pu commencer à gagner leur vie. Puis vraiment pouvoir faire une carrière, oui d’auteur de théâtre, mais en écrivant du radio-théâtre. Puis c’est ça aussi qui a formé les premiers acteurs québécois parce que c’était à Montréal surtout.
J : Comment trouvez-vous ça jusqu’à date?
A : Je trouve ça très enrichissant. C’est fascinant à quel point par la voix tu sens tellement la présence et la personnalité de quelqu’un puis de l’émotion. Avoir la voix de Chloé et Elsa, c’est très riche, ça nous met dans une bulle. Alors qu’au théâtre c’est très physique, là c’est un peu plus intérieur, c’est comme un paysage qui se crée dans ta tête.
J : Croyez-vous qu’il y aura un retour du radio-théâtre après la pandémie?
A : Bien j’ai l’impression qu’il y a quand même un certain nombre de compagnies qui se sont revirées de bord puis qui ont proposé des lectures de pièces qui existaient déjà, qui étaient disponibles via balado. Ça, c’est une chose, mais je pense que dans le cadre de ce projet-ci comme un certain nombre de projets qu’on voit émerger, c’est vraiment un projet qui a été conçu, pensé et qui est créé en sachant que ça allait être par capsule, en sachant que ce serait des 7 minutes par semaine. Je pense que ça change quand même la dynamique et même si c’est une tranche d’un texte, le fait que tout d’un coup les spectateurs peuvent réagir, l’auteur l’entend d’une certaine façon, mais là tout d’un coup tu embauches des comédiens et c’est peut-être différent. Chacun amène sa sensibilité. Je pense que ça enrichit davantage. J’écoute beaucoup de balados et ce que je trouve intéressant c’est qu’on commence à réfléchir de A à Z à des projets qui ne sont pas du théâtre ni en balado, mais qui sont des projets de balado-théâtre.
On est dans une grande phase expérimentale, une grande phase passagère. Il y a des choses qui vont avoir été passagères, mais il y a quand même des choses qui vont rester. À l’époque où on n’avait pas la télé, on mettait à la radio la soirée du hockey et on l’écoutait, je dis « on », mais je n’étais pas de cette génération-là *Rires. Il y aura peut-être une autre façon de se rassembler aussi. Tu savais qu’il y avait je ne sais pas combien de gens qui étaient à leur radio, rassemblés en train d’écouter du hockey. Peut-être qu’on est à la veille de voir différentes façons de se rassembler.
J : Est-ce que vous trouvez ça difficile de faire une nouvelle scène chaque semaine?
A : Au début c’était imposant. C’est d’une certaine façon de plus en plus facile chaque semaine, dans le sens que trouver le ton juste pour le micro ça vient plus naturellement maintenant. Savoir se servir du micro aussi. À chaque fois qu’on reçoit le texte, il y a toujours un petit stress, mais chaque fois c’est toujours des agréables surprises.
J : Avez-vous réussi à vous adapter aux micros?
A : Oui c’est sûr, au début. Tout d’un coup tu as des écouteurs, tu t’entends différemment de quand tu parles dans la vie et tu te retrouves dans une situation où il faut que tu continues à jouer. Il ne faut pas que tu sois en train de t’écouter jouer, il faut juste que tu joues. Les écouteurs sont juste là comme repère c’est tout.
J : Pouvez-vous voir où s’en va ce texte?
A : Je ne suis jamais vraiment bon pour deviner la fin des textes de façon générale. C’est quand même une certaine pression et un privilège de jouer les mots de Michel Ouellette, qui est super généreux dans ce processus-là. Chaque semaine, il arrive avec des scènes qui sont vraiment superbes. On essaie d’être au service du développement de son texte. Puis il a eu cette générosité-là de commencer un projet et de vraiment rebondir aussi sur le travail qu’on fait. On essaie de bien faire les choses pour être en synergie avec lui puis l’aider à continuer à avancer très humblement.
J : Comment c’est de créer durant cette ère de COVID ?
A : Une chose que je sens et qui me rassure beaucoup c’est que les artistes et les artisans du domaine du théâtre sont des gens extrêmement consciencieux, organisés et résilients, parce qu’on est dans un milieu où on est habitué de gérer 14 problèmes en même temps. Même si l’univers leur met des bâtons dans les roues ils vont trouver les bonnes solutions ou les solutions qui sont acceptables à ces problèmes-là. Il y a un certain nombre de mesures sanitaires à prendre. À ce stade-ci, se rassembler n’est pas exactement comme avant, mais d’une façon ça reste une expérience tout aussi riche humainement qu’artistiquement, maintenant qu’on a notre routine qu’on sait bien faire les choses.
J : Si vous pouviez émettre un souhait pour le milieu artistique suite à la pandémie, ce serait lequel ?
A : Que l’ensemble des artistes et des artisans du milieu artistique puisse continuer à vivre une vie digne, acceptable et confortable malgré tout et qu’ils aient toujours envie de continuer parce que ça risque d’être complètement usant pour beaucoup de gens. On est capable de s’adapter à un certain point, mais je pense que les gens ont aussi besoin de se faire aider puis de se faire donner des ressources pour continuer à bien faire les choses.
Les artistes leur but c’est de réfléchir le monde, c’est d’inspirer, c’est de toucher, c’est d’émouvoir. Pour être capable de faire ça il faut être capable de se sentir confortable et en sécurité puis le confort et la sécurité, ça passe par savoir ce qu’on peut faire et ne peut pas faire ou ce qu’on devrait et ne devrait pas faire. Mais aussi savoir que financièrement, je suis capable de m’organiser parce que j’ai un filet de sécurité. Je pense que c’est ça la grosse menace que je sens chez les artistes et les artisans en tous genres du milieu des arts. Peut-être prendre le coup pour quelques mois, mais après ça comment on fait?
Je sais qu’il y a des gens qui en ont souffert les 6 premiers mois, mais ce qui inquiète c’est les prochaines années. Je ne sais pas combien de temps ça va durer. J’espère juste que socialement on va créer ce filet de sécurité pas juste pour les artistes, pour tous les gens qui sont dans des situations plus précaires, donc les travailleurs autonomes de façon générale, les gens du secteur de la santé qui affrontent en première ligne la pandémie, tu as aussi les gens qui se retrouvent à fermer leur restaurant, leur boutique. Je souhaite que tout le monde puisse continuer à vivre aussi dignement et confortablement que possible malgré tout, c’est mon souhait le plus cher.
J : Est-ce que certains artistes pensent changer de métier à cause de cette situation ?
A : L’usure commence à se faire sentir chez un certain nombre de gens et il y a des gens qui sont extrêmement polyvalents, qui ont déjà 2,3 rôles ou 2,3 métiers, fait que ça va. Mais il y en a certains qui ont fait ça toute leur vie, et c’est nos meilleurs comédiens, nos meilleurs metteurs en scène et se retrouve à ne pas pouvoir exercer ce dans quoi ils sont bons. Alors c’est sûr que ces gens-là se posent des questions. Mais je dois dire que personnellement j’ai été très chanceux et je me croise les doigts. Je souhaite le meilleur à tout le monde.