12 novembre, 2020 • Posté par Priscilla Pilon

Des nouvelles de nos artistes : Manon St-Jules!

Comme notre prochaine mise en lecture, Aéroportée, arrive déjà à grands pas, nous avons cru bon de poursuivre notre série Nouvelles de nos artistes en compagnie de Manon St-Jules, qui en signera la mise en scène.

En discutant avec Jeffrey, notre stagiaire aux communications, Manon nous partage ses coups de cœur théâtraux, ses problèmes liés à la pandémie et sa passion pour la cuisine.

Photo de ses recettes de quarantaine.

Jeffrey : Comment avez-vous passé le temps pendant cette quarantaine ?

Manon : Bien, j’ai un fils, alors l’école à la maison était un facteur. Je me suis créé un petit studio maison question d’essayer de continuer à gagner des sous, car on s’entend que j’ai perdu tous mes contrats durant cette période. Ces derniers temps, je fais un peu de traduction à la maison. On essayait de se trouver des activités, de sortir faire une marche, dans les coins de la ville qu’on ne connaissait pas, juste pour changer d’air, pour sortir de nos 4 murs.

J : Avez-vous pu travailler sur des projets personnels ?

M : Mon studio maison. Je ne sais pas si je qualifierais ça de projet artistique, mais c’était un projet personnel. Mon souci était financier donc c’était de trouver des façons de gagner un salaire. Ce sont des projets qui sont parallèles parce qu’il y a une composante qui peut être artistique, mais je pense que mon impulsion de départ était financière.

J : Qu’est-ce qui vous manque le plus depuis le début de cette pandémie ?

M : Le contact avec le public, avec la famille. Je ne suis pas quelqu’un qui tripe technologie, donc rencontre Zoom, tout le reste, ça fait son temps. Ça fait bizarre de voir sa famille et ne pas se prendre dans les bras, ne pas se faire la bise. C’est le contact à tous les niveaux : collègues, familles et de public. Contact physique, contact émotif, le vrai contact, pas le contact virtuel.

J : Est-ce que vous vous souvenez de la dernière pièce de théâtre que vous avez vue ?

M : J’ai vu un spectacle d’une compagnie anglophone à Ottawa qui s’appelait Great Canadian Theatre Company. C’est une pièce qui s’appelle Daisy, d’un auteur canadien, Sean Devine. Il y a beaucoup de gens que je connais qui étaient dans la distribution. J’étais à la première du spectacle et le lendemain, tous les théâtres ont cessé leurs opérations. Donc le spectacle n’a vu qu’une seule représentation et j’y étais.

J : C’était à quel sujet ?

M : Ça parle de politique américaine durant les années 60 et Sean Devine est quelqu’un de brillant. J’ai déjà collaboré avec lui dans un projet différent. C’est quelqu’un que je connaissais un peu, je connaissais son intelligence. D’ailleurs, la pièce avait été produite ailleurs aux États-Unis. C’était la première fois qu’une compagnie canadienne montait sa pièce.

J : Est-ce qu’ils vont reporter le reste des représentations ? C’est dommage d’avoir été annulé juste après la première.

M : Oui, la direction artistique de cette compagnie avait dit, au moment où les théâtres ont fermé leurs portes, qu’elle allait repousser les représentations et les reprendre plus tard dans la saison sans savoir qu’il n’y aurait pas d’autre saison. Mais je pense que le projet est sur la glace pour l’instant et sera reprogrammé dès qu’il sera possible d’ouvrir le théâtre.

Photo de ses recettes de quarantaine.

J : Quel est votre coup de cœur artistique du moment ?

M : J’avoue que je ne consomme pas beaucoup d’art parce que c’était un peu douloureux on dirait, de ne pas pouvoir en faire. Avec tous les projets qui ont été annulés, on dirait que je me tenais loin des projets artistiques. Que ce soit cinéma, séries télé ou musique je n’ai pas beaucoup consommé d’art cette période-ci. C’était trop douloureux, ça me confrontait à ce que je ne pouvais pas faire ces jours-ci.

Coup de cœur artistique je dirais, le metteur en scène français Joël Pommerat qui est venu au Centre national des Arts l’année passée et c’est la 2e production de lui que je vois. C’est toujours magique, très intelligent et les acteurs sont toujours fabuleux.

J : C’était récemment ?

M : C’était la saison dernière. L’année passée lorsqu’il est venu au Centre national des Arts à Ottawa avec une production qui tourne depuis plusieurs années. Mais sa prochaine production était censée venir cette année ou tôt l’année prochaine, mais ça on se doute que ça n’aura pas lieu. C’est un metteur en scène qui est assez prolifique en Europe. Il doit avoir 2-3 productions qui tournent. Au Canada, on a la chance de le recevoir une fois de temps en temps.

J : Si vous pouviez émettre un souhait pour le milieu artistique suite à la pandémie, ce serait lequel ?

M : De se retrouver rapidement. J’espère que notre temps d’absence sera le plus court possible, car on est le milieu qui va sans doute être le dernier à reprendre ses activités étant donné la nature de ce que l’on fait.

C’est sûr qu’avec ce qui se passe on commence à parler du revenu moyen. Avec la PCU (Prestation Canadienne d’Urgence) cette notion pourrait être plus envisageable qu’elle ne l’a jamais été. Il y a eu des conversations des milieux artistiques qui ont dit que ce serait bien qu’on soit reconnu un peu comme en France où il y a un revenu moyen minimal en reconnaissance du travail des artistes.

Donc j’espère que dans l’univers des artistes il y ait une reconnaissance de la valeur de notre travail qui va se traduire en des situations de précarité amoindrie, un salaire assuré, ce genre de chose. Ce n’est pas à l’intérieur du milieu que je nous souhaite des changements, mais au niveau de la reconnaissance politique.

C’est un milieu qui est rempli de haut et de très gros bas pendant des périodes qui peuvent être prolongées. Puisque cette précarité fait partie du métier, si on pouvait nous assurer, pas un confort, mais une certaine sécurité, ça enlèverait de la pression sur les épaules des artistes.

Photos de ses recettes de quarantaine.

J : Avez-vous une recommandation quarantaine ?

M : Cuisiner. On dirait que ça a été un refuge. Puis on l’a vu un peu, beaucoup de gens se sont mis à poster leur photo de pain qu’ils ont fait et je trouve que c’est une belle façon d’approcher cette période-ci.

Donc ma recommandation c’est d’apprendre à cuisiner et se pousser au niveau de la cuisine. Parce que c’est créatif pour une chose et parce que ça nourrit l’âme. Je trouve aussi que ça nous aide à reconnecter avec la base. Pousser nos connaissances culinaires, on revient à l’essentiel, on revient à l’optique de manger local, cuisiner local, d’encourager les producteurs locaux. Dans cette optique-là aussi on contribue à notre économie locale en sachant cuisiner en choisissant des produits qui viennent du coin. C’est comme un projet artistique aussi cuisiner en même temps.

J : Avez-vous pu essayer de nouvelles recettes ?

M : Oui, j’ai toujours beaucoup cuisiné. Évidemment, j’ai fait de la fougasse aux olives, j’ai fait différents types de soupes, de bouillies, des friandises, des écorces d’oranges confites trempées dans le chocolat, j’ai fait des profiteroles, de la pâte à chou, j’ai élargi ma palette !