6 novembre, 2020 • Posté par Priscilla Pilon
Des nouvelles de nos artistes : Michel Laforge!
Comme la première saison du projet Voies/x ouvertes avance de bon train, nous nous sommes dit que ce serait un bon moment pour rencontrer les artistes qui en font partie!
Jeffrey Kambou, notre stagiaire aux communications, s’est donc entretenu avec Michel Laforge, le concepteur sonore de Sombre divan!
Le laboratoire théâtral radiophonique est diffusé à l’émission À échelle humaine les samedis matins sur les ondes d’ICI Radio-Canada PREMIÈRE jusqu’au 5 décembre 2020. Pour réécouter les 5 premiers épisodes, consultez le site de Radio-Canada.
Jeffrey : Quel est votre rôle dans ce projet?
Michel : J’ai un peu un rôle hybride, l’un avec le TNO et l’autre avec Radio-Canada. J’ai un background en journalisme et j’ai travaillé 7 ans à Radio-Canada. Donc j’ai le rôle de réaliser les capsules radio parce que c’est un laboratoire de théâtre qui est capté et diffusé sous forme d’une capsule radio. C’est moi qui installe les micros, qui enregistre les comédiens, le metteur en scène et la directrice artistique pendant qu’il y a toute la discussion entourant le texte. Ça fait partie des choses qu’on veut diffuser à l’antenne. Dillon Orr, qui est le metteur en scène dirige les comédiens pour le théâtre, mais des fois tu sais, on est un peu trop près du micro pour capter la voix comme il faut.
Je suis l’appui que Radio-Canada fournit au TNO. Ils m’ont prêté des micros, mais c’est moi qui arrive avec mon équipement d’enregistrement, mes connaissances pour enregistrer les comédiens, puis les diriger un peu à jouer avec les micros.
J’ai également le rôle de concepteur sonore via le TNO. Donc tout ce qui est musique, l’habillage sonore qui est dans la capsule c’est moi qui le compose de toute pièce. Souvent, à la radio, on va aller puiser dans des banques de musique qui existe déjà, mais dans ce projet j’ai eu le luxe de faire les deux en même temps. Le luxe ou la charge de travail, mais moi je considère ça un luxe.
J : Comment c’est de travailler avec ces micros dans cet environnement de théâtre?
M : Bien, c’est sûr que ce n’est pas un studio radio. Donc il y a des bruits ambiants que dans la vie quotidienne on n’entend pas, comme les systèmes de ventilation. Au TNO, ce qui est drôle c’est que les portes craquent. Elles font du bruit même s’il n’y a personne qui ouvre les portes, on les entend. Des trucs du genre qu’il faut ensuite aller nettoyer comme on dit. Mais sinon, ça ressemble pas mal à un enregistrement de terrain qu’on ferait dehors, ou une entrevue qu’on ferait sur le terrain. J’ai l’habitude de nettoyer du son, ce n’est pas si différent que ça.
J : Est-ce que votre travail est plus difficile puisque ce projet est réalisé de façon hebdomadaire ou au contraire est-il plus simple?
M : Normalement, quand je fais des conceptions sonores pour le théâtre, j’ai le texte arrêté, complet devant moi.
Mais je ne compose pas nécessairement de manière linéaire. Quand on compose pour le théâtre, il faut toujours accommoder les comédiens sur scène, les sons ne peuvent pas être trop forts. Le focus doit demeurer le jeu des comédiens, l’éclairage, la scénographie, etc., la musique est juste là pour appuyer.
Tandis que, de produire quelque chose à la radio, une fois que l’enregistrement est fait, que je l’ai nettoyé ça ne change plus. Ça me permet d’être beaucoup plus précis dans ce que j’amène musicalement. Et la musique occupe plus de place qu’elle l’aurait occupé dans une pièce de théâtre conventionnelle.
J : J’allais vous poser une question de rétroaction du public, mais il semble que vous n’en avez pas encore reçu?
M : Bien je veux dire, j’ai eu des félicitations de mes connaissances soit à Radio-Canada soit dans le milieu théâtral alors ça, c’est bien. Je vois des gens réagir aux annonces publiques entourant le projet. Les gens semblent répondre aux questions posées par Radio-Canada sur les réseaux sociaux!
J : Lorsque vous enregistrez chaque semaine est-ce que vous recevez de la rétroaction des autres membres du projet?
M : Dillon, Marie-Pierre et les comédiens semblent apprécier ce que je fais et ils m’en disent autant. Dillon m’a dit que Michel Ouellette avait apprécié la conception sonore. Donc oui, je reçois des rétroactions, les gens sont satisfaits et moi ça me fait plaisir.
J : Est-ce que c’est votre première expérience en radio-théâtre?
M : C’est la première fois que je fais du radio-théâtre. Je fais parallèlement un projet de balado-théâtre en ce moment. C’est une année de premières pour moi puisque j’ai fait le saut pour devenir artiste et pigiste à temps plein cette année. J’ai déjà fait des pièces de théâtre en bonne et due forme, mais le radio-théâtre c’est nouveau et c’est quelque chose que j’avais envie de faire depuis longtemps.
Quand je travaillais à Radio-Canada, on en jasait souvent avec des collègues et des amis de théâtre aussi, que ce serait l’fun de faire une pièce de radio-théâtre comme dans l’ancien temps. Et là OK, il y a la COVID, on ne peut plus avoir de spectacle de théâtre traditionnel, mais au moins il y a ce temps où on peut essayer des choses et je trouve ça l’fun.
J : Pensez-vous qu’il y aura un retour du radio-théâtre après la COVID?
M : Je le souhaite parce que moi, c’est une forme d’art que j’aime beaucoup. Je ne sais pas si tu connais Marie-Laurence Rancourt qui travaille pour Magnéto. C’est une boîte de production à Montréal qui produit des balados. Elle disait: « qu’on appelle ça du balado ou du radio-théâtre ou de la radio parlée, tout ça c’est un même médium ». C’est la même chose on lui donne juste des noms différents. C’est de la sémantique dans le fond. Je trouve que ce n’est peut-être pas faux.
Ce n’est pas la même chose qu’aller voir une pièce de théâtre en vrai. De la même façon que le cinéma ce n’est pas la même chose qu’une pièce de théâtre. Il y a quelque chose de figé, d’arrêté dans la radio et le balado. Pas que c’est moins vivant, mais ce n’est pas devant toi. Si j’écoute le même épisode 5 fois ça va être la même chose 5 fois. Tandis que si je vais voir la même pièce de théâtre 5 fois elle peut changer d’un soir à l’autre dépendant des comédiens, de l’énergie de la foule dans la salle, de la ville dans laquelle se trouve la pièce et la production ce soir-là.
Je pars un peu en tangente, mais j’espère qu’il va continuer à en avoir parce que les gens qui font du théâtre et de la conception sonore n’ont pas le choix de se tourner vers les médiums comme celui-là en ce moment et il y a une expertise qui est déjà en train de se développer au Canada français et qui va continuer à se faire davantage, je pense.
J : Comment c’est de travailler avec un texte en chantier?
M : C’est intéressant parce que l’idée de départ du TNO et de Radio-Canada c’était que les auditeurs qui allaient entendre les capsules allaient pouvoir réagir et envoyer leurs commentaires, leurs rétroactions et leurs questions à l’auteur Michel Ouellette.
Puis je trouve ça intéressant. Je trouve ça interactif parce que normalement un texte au théâtre ne se travaille pas aussi publiquement. On va faire des petits laboratoires, des mises en lectures, mais rarement diffuser quelque chose d’aussi « grand public » que la radio. Fait que, c’est intéressant pour ça. Puis l’autre chose qui est le fun, c’est que les gens en parlent un peu partout en province. Chose qui ne serait pas arrivée si on avait fait une expérience semblable, devant public, pas à la radio, juste à Sudbury.
Sinon, nous on reçoit le texte quelques scènes à la fois, chaque semaine. On enregistre demain. J’ai reçu les quelques scènes de cette semaine ce matin, donc j’ai à lire ça. On l’enregistre le mercredi, je commence à nettoyer le jour même, je compose. Je pense que j’ai complété l’épisode 4 hier soir, puis déjà on est rendu à l’épisode 5. Fait que ça roule vite.
J : Est-ce que vous êtes responsable de décider quelles sections de l’arrière-scène se trouvent au début de chaque épisode?
M : Oui. J’arrive, je dépose mon enregistreuse, je pèse record et pendant que tout le monde se prépare j’enregistre tout ça. Il faut que je le réécoute après pour trouver les meilleurs moments. Et ça, c’est vraiment le plus gros défi de cette capsule. Parce qu’il faut qu’on fasse autour de 7 minutes de radio. Si on pouvait avoir une heure, on le prendrait, mais ce n’est pas comme ça que ça marche.
Des fois, ça te donne l’impression que ce qui est diffusé dans la minute, qui précède les capsules a été enregistré d’un coup, mais c’est un truc de magie de radio. Il y a des sauts d’idées qui se retrouve entre ça que je coupe et j’arrive à reconstruire la trame de discussion. Parce qu’une discussion comme ça, les gens passent d’une idée à l’autre et on revient sur une affaire 15 minutes plus tard. C’est vraiment comme coudre pour raccommoder un vêtement qui est plein de trous.
Ce n’est pas évident de choisir les bouts les plus pertinents parce qu’il y en a beaucoup. Ce que j’essaie de faire c’est de démontrer le processus des comédiens, du metteur en scène et de la directrice artistique, en insufflant de la vie dans ces personnages-là. Et ça inspire l’auteur à retravailler son texte après. De comprendre où s’en vont les personnages à cause de la façon dont c’est écrit. Je trouve ça intéressant aussi pour les auditeurs qui ne baignent peut-être pas dans le monde théâtral tous les jours de remarquer qu’au début de la série Zac, Beckie ou Cass était de telle manière et à la fin les comédiens ont fait ce travail-là et les ont amenés ailleurs. Donc, pour raconter ça en 45 secondes au début d’un épisode, je fais de mon mieux *Rires.
J : Je m’attends toujours à ce que cette section de l’épisode dure plus longtemps.
M : Oui c’est ça! Ça te laisse un peu sur ta faim.
J : Puisque les épisodes doivent durer 7 minutes est-ce qu’il vous arrive parfois de devoir enlever des bouts d’un épisode parce qu’il est trop long?
M : On essaie de ne pas faire ça. Il a fallu que je le fasse une fois un peu plus que dans les autres épisodes. Mais je trouve ça délicat parce que l’auteur écrit chaque mot pour une raison. La répétition c’est une figure de style, c’est quelque chose qui est souvent intentionnel.
Si je faisais de la radio comme je l’ai fait pendant 7 ans, je couperais plus que ce que je fais. Mais il faut que je change mes réflexes. Même chose pour le jeu des comédiens, parce que le silence parle. Des fois autant que la parole. C’est drôle à dire, mais le temps qu’on peut laisser entre 2 phrases est significatif, et si je coupe là-dedans ça peut changer le sens du jeu des comédiens. Donc, j’essaie de ne pas le faire.
C’est sûr que des fois on peut lire le texte et dire: « ça fait 7 minutes c’est beau ». Puis après ça on arrive en salle et finalement on en fait 9. C’est arrivé une fois et on a réussi à s’en sortir malgré tout. Mais j’essaie de couper le moins possible. Si c’était juste ma musique ou mon reportage, je couperais autant que je veux, moi mon travail n’est pas sacré. Mais je ne me sens pas tout à fait à l’aise de le faire pour le travail des autres à moins que ce soit exactement ce qu’ils m’ont demandé de faire.
J : Comment décririez-vous l’atmosphère sonore de Sombre divan?
M : Bonne question. J’ai essayé de faire attention de ne pas tomber dans un ton trop dramatique. Parce que ça aurait été facile, de le faire et ça aurait peut-être été lourd à écouter. Oui, il y en a un peu de ça, mais il y a aussi beaucoup de lumière. Il y a des moments d’espoir là-dedans.
Je suis claviériste, je joue surtout avec des synthétiseurs de toute sorte. Alors, ça fait partie de ma signature de musicien de lier ça avec des effets et puis ce que ça sonne comme ça par exprès. Mais il y a aussi des moments où je mets des échos sur les voix pour suggérer des choses. J’ai toujours de la misère à décrire à quoi peut ressembler une palette sonore. Le mieux c’est de l’écouter et de se dire, ça ressemble à ça. Parce que tout le monde se fera une idée différente. Les sons n’inspirent pas tous la même chose aux gens.
J : Comment c’est de créer dans cet air de COVID?
M : C’est sûr que ce serait le fun de pouvoir se réunir davantage dans un lieu physique idéalement sans masque et sans les mesures de distanciations physique et les contraintes sanitaires. Mais ce n’est juste pas possible donc on fait avec ce qu’on a. Moi je suis musicien à la base donc ma formation artistique elle est dans la musique. Je suis arrivé dans le monde de théâtre comme concepteur sonore parce que je faisais de la musique, pas parce que j’ai étudié en théâtre. La chose qui me manque le plus c’est de monter sur scène comme musicien. Mais même ça, j’ai eu la chance de le faire avec le TNO au mois de septembre, pour la production de Shack à patates.
Oui, ça me manque de faire des shows. Je devais lancer un album de musique avec mon band Telecolor cet été, mais ce n’est pas arrivé. Mais, je vois ça comme une occasion de créer dans la contrainte. On est en train de réimaginer la façon donc on va lancer notre disque. Ça va être l’fun pareil, mais ce n’est pas ce qu’on avait envisagé au départ.
Il ne faut pas juste s’arrêter et se dire : « Ah c’est plate qu’on ne puisse plus faire x ». Oui, rendons-nous compte que c’est plate et qu’on ne peut plus faire « x », mais l’important c’est de ne pas rester pris là-dessus. Il faut faire comme : « OK bon à quoi va ressembler « y » d’abord? Comment je vais m’amuser quand même malgré tout ça ? ». Cette idée de créer dans la contrainte en art je trouve qu’elle est utile. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas tous les moyens qu’on ne peut pas créer quelque chose qui est à la hauteur de nos attentes et qu’on ne peut pas s’amuser.
Souvent on pense, surtout les musiciens, qu’acheter le nouveau synthétiseur, la nouvelle guitare, va nous aider à faire la meilleure chanson du monde. Même si c’était vrai, après que tu l’as écrite la meilleure chanson du monde, tu fais quoi? Je pense que créer dans la contrainte ça peut, oui être un défi, mais c’est aussi une façon de ne pas s’ennuyer et de toujours se renouveler.
J : Est-ce que vous avez d’autres projets?
M : Rien dont je peux parler publiquement encore. Le projet balado je peux en parler parce qu’on a commencé à en parler publiquement. Ça s’appelle, L’Académie des Cascades du Quotidien. Et c’est un balado de théâtre sur lequel je travaille avec le dramaturge et écrivain franco-ontarien Antoine Côté Legault.
C’est essentiellement des cascades du quotidien. Ça invite l’auditeur à être l’élu d’une mission secrète. Ça fait très Matrix, Tron. Comment je l’expliquerais? Il y a un habillage sonore et littéraire aussi qui tourne autour du virtuel et du jeu vidéo comme, c’est toi l’élue, c’est toi qui dois choisir, tu es maître de ton destin blablabla, c’est ludique. Des fois la cascade, c’est juste ramasser une roche et la lancer, puis prendre une marche, ça peut-être aussi banale que ça. Mais, raconter comme ça sur 10 minutes avec de la musique pour l’appuyer, ça rend ça ludique et ça te donne envie d’aller la prendre ta marche. Et ce qui est l’fun c’est que c’est un balado donc tu peux prendre ta marche en l’écoutant.